Comme nous l'avons évoqué dans un précédent article, enseigner des airs de musique aux oiseaux est un passe-temps aristocratique très en vogue au XVIIIe siècle.
En 1709, le naturaliste parisien Hervieux de Chanteloup (1683 - 1747) publie un Nouveau Traité des Serins de Canarie dans lequel il donne tous les conseils utiles à l'élevage et à la reproduction de ces petits chanteurs... Il devient par la même occasion Gouverneur des Serins de la Princesse de Condé. L'ouvrage sera réédité en 1713, en 1745 puis en 1785 et sera encore plagié au début du XXe.
Le canari avait été introduit en France au début du XVe siècle par Jean de Béthencourt, gouverneur des Canaries. Ce dernier avait ramené avec lui quelques-uns de ces serins que les habitants de ces îles élevaient dans des cages pour le plaisir d'entendre leur chant.
On a d'abord utilisé pour l'apprentissage des oiseaux un petit flageolet appelé flageolet d'oiseau dont la tessiture convenait à cet usage. Le choix du flageolet est capital à la réussite de la méthode comme l'explique l'auteur :
"vous jouerez d'un petit flageollet, dont les tons ne seront pas trop élevés; car si votre flageollet est trop haut, votre Serin qui ne manquera pas de chanter par la suite du même ton, lorsqu'il saura son air, le réitérant plusieurs fois dans la journée, se dessechera si fort les poumons, que, maigrissant peu à peu, il mourra."
L'auteur propose au chapitre XI p. 94 quatre airs pour l'apprentissage du chant (Prélude, Marche des Surlaubes, Prélude, Gavotte). La musique est de Monsieur de Montandre, bon musicien pour la Vacale & Instrumentale, surtout pour la basse de viole.
Douze airs supplémentaires sont proposés au chapitre XXIX p. 360 (voir photo ci-dessous).
L'auteur recommande l'apprentissage de deux ou trois airs au plus afin de ne pas surcharger la mémoire du serin...
"Cinq ou six leçons par jour, d'un quart d'heure chacune, suffisent pour les bien avancer. Par cette persévérance, en trois ou quatre mois ils sauront ce qu'on aura pris la peine de leur montrer."
L'auteur conseille, particulièrement aux dames : "Tant à cause qu'il [le flageolet] altère considérablement la poitrine lorsqu'on en joue longtemps de suite, que parce qu'il n'est pas fort séant, surtout au Sexe", l'utilisation d'un flageolet organisé, sorte de petit orgue portatif à deux octaves. L'auteur précise que le clavier doit être aisé "c'est à dire qu'il ne soit pas dur, pour que ce flageollet puisse servir aux mains les plus faibles : ce clavier étant doux à toucher, toutes personnes pourront y jouer un long espace de tems de suite sans se lasser le poignet, ni se fatiguer les doigts..."
Dans la troisième édition de son ouvrage, en 1745, l'auteur consacre un chapitre à la serinette, apparue environ une dizaine d'année plus tôt, et qui est maintenant parvenue, selon lui, à sa dernière perfection. La serinette est aussi utile qu'agréable, tant pour instruire les Serins au flageollet, que pour amuser les personnes qui aiment naturellement & les instruments & la musique.