Philosophe et religieux français du XVIIe siècle, Marin Mersenne (1588 - 1648) fut également mathématicien ; on lui doit les premières lois de l'acoustique. En tant que théoricien de la musique, il publie en 1636 une oeuvre monumentale, l'Harmonie Universelle, comprenant huit livres qui véhiculent un flot continu de connaissances, d'hypothèses, de réflexions, d'expériences...
Dans son Livre cinquiesme (Des instrumens à vent), Mersenne décrit et illustre le flageolet français.

Cet instrument diffère de la flûte à bec par la disposition des trous : quatre trous à l’avant et deux à l’arrière pour les pouces au lieu de 7 trous à l’avant et un trou pour le pouce à l’arrière pour la flûte à bec. La disposition des trous est notée comme suit : 1- pouce gauche à l’arrière près de l’embout buccal ; 2- index de la main gauche à l’avant ; 3- majeur de la main gauche à l’avant ; 4- index de la main droite à l’avant ; 5- pouce droit à l’arrière ; 6- majeur droit près de l’extrémité ouverte. Mersenne propose aussi une numérotation « inversée » : « Où il faut remarquer que le premier [trou] peut estre pris pour le dernier, comme il arrive lors qu’on descend de l’aigu au grave, et que le dernier peut estre pris pour le premier, quand on monte du grave à l’aigu ».

Il nous indique également  d’autres dispositions des doigts : « Il y en a d’autres qui font servir les quatre doigts de la main gauche au Flageollet, à sçavoir le pouce, l’index, celuy du milieu et le medicus, et les trois de main droite, à sçavoir le pouce, et l’index mais celui du milieu sert pour boucher la pate.[…] Ceux qui sont gauchers mettent le pouce de la main droite au sixiesme trou, ce que l’on doit remarquer pour tous les instruments à vent. »

Concernant la facture instrumentale, Mersenne fournit une figure montrant les dimensions des trous et leur distance respective en citant Le Vacher comme « le plus excellent Facteur de Flageollets » de son époque. Il précise que les flageolets sont faits de buis, d’ivoire, de prunier, d’ébène et de toutes sortes de bois durs. Il expose ensuite un certain nombre de remarques relatives aux propriétés acoustiques de l’instrument à partir de ses propres expérimentations réalisées avec un flageolet « de buis, […] de quatre pouces et cinq lignes de longueur ».

La technique instrumentale est abordée avec  deux tablatures : une par bécarre, et une autre par bémol. Mersenne précise que « l’on peut faire vingt-huict demy-tons tout de suitte sur le Flageollet pour sonner toutes sortes de pièces chromatiques ; et s’ils se rencontre des hommes qui puissent tellement boucher les trous qui fassent des quarts de ton pour les dieses Enharmoniques, ils pourront user de ce genre sur cet instrument. » Les questions relatives au souffle et à l’articulation sont posées sans précision toutefois sur le type d’articulation en usage.

A la lecture de Mersenne, il ressort que le flageolet possède déjà au début du XVIIe une technique aboutie et connaît des instrumentistes virtuoses : « après que l’on sçait faire tous les tons, il faut s’accoustumer à la vitesse et à la mesure, afin de faire toutes sortes de passages et de diminutions, et d’user de toutes les douceurs et les mignardises, dont le Flageollet est capable ; ce qui ne peut se faire sans la vitesse des doigts, qui doivent boucher et déboucher six ou huict fois les mesmes trous dans le temps d’une mesure pour imiter les diminutions de la gorge, de la Viole, des Luths et des autres instrumens. »