Compositeur et chef d'orchestre français, Louis-Antoine Jullien est né à Sisteron le 23 avril 1812. Après des études au Conservatoire de Paris dans la classe de contrepoint d'Halévy, il dirige à partir de 1836 des bals masqués (Porte Saint-Martin, Gaîté) et des concerts (Jardin Turc, salle St-Honoré) qui l'imposent en quelques saisons comme le plus sérieux rival de Philippe Musard. Ses concerts sont véritablement mis en scène (coups de canon, feux d'artifice et autres excentricités multiples). Ses musiques (quadrilles, polkas, valses...) remportent un grand succès au Carnaval de Paris. Suite à des déboires financiers, il s'enfuit à Londres où il organise de nombreux "concerts-promenades", notamment au théâtre Her Majesty's Theatre. Un de ses quadrilles, l'Indian Quadrille y remporte un immense succès. Composé juste après la chute de Lucknow, il contient plusieurs mélodies indiennes astucieusement arrangées. La valse Fern leaves est également très populaire. L'orchestre compte de nombreux instrumentistes parisiens : Hubert Collinet au flageolet, Jean Remusat à la flûte, Augustin-Joseph Tolbecque au violon, Lavigne... Jullien donne également une place de choix au cornet à pistons, notamment par l’intermédiaire du virtuose Hermann Koenig.
En 1847, alors directeur de la salle londonienne de Drury Lane, Jullien engage Hector Berlioz comme chef d'orchestre. On note dans la correspondance de Berlioz :
[…] Je suis logé chez M. Jullien (artiste Français qui a épousé une Anglaise) directeur du Théâtre de Drury-Lane dont l’orchestre m’est confié. Je le connaissais depuis longtemps et je me trouve chez lui parfaitement à mon aise sous tous les rapports. [...]. Il faut trois quarts d’heure pour aller de chez Jullien à Drury-Lane, et ils appellent cette distance quelques pas. […] (lettre du 7 novembre 1847 à son père)
À la mi-janvier 1848, la banqueroute de Jullien oblige Berlioz à prendre ses précautions, comme il l’écrit à sa sœur Nanci le 14 janvier :
[…] J’ai fait enlever hier toute ma musique de la maison de Jullien, dans la crainte d’une saisie qui grâce à l’étrangeté de la loi anglaise pourrait m’atteindre. J’ai transporté ces ballots, sans prix pour moi, chez un de mes amis français M. Grimblot où ils sont en sûreté. Quant à mes habits, linges etc, on m’assure qu’ils sont insaisissables, et je reste ici chez Jullien en attendant qu’il me paye et qu’il sache s’il peut remplir à mon égard tous ses engagements.
Dans le cas où il ne pourrait ou n’oserait donner mon premier concert qui est annoncé pour le 7 février, je tâcherais de m’arranger avec le directeur du théâtre de la Reine [Lumley], qui est de mes amis et même de mes obligés. […]
Le 24 avril 1848, dans une lettre à Auguste Morel, Berlioz écrit :
Avant-hier les journaux de Londres ont annoncé la banqueroute de Jullien, qui, dit-on, est à cette heure en prison. Je n’ai donc plus rien à espérer de lui. […]
Remis de ses déboires pour un temps, Jullien donne à Londres en 1852 son opéra à grande mise en scène Peter the Great ; cette entreprise le mène financièrement à la ruine. Son grand magasin de musique de Regent Street est également en faillite. Heureusement, son épouse tient un commerce de fleurs aux concerts de son mari, la vente de bouquets à la Jullien offre une source de revenus confortable...
En 1853, Jullien emmène tout son orchestre à New York et rencontre un énorme succès à Castle Gardens. Hubert Collinet, joueur de flageolet, qui fait partie de l'orchestre de Jullien depuis 1841 suit cette tournée américaine. Il travaillera pour lui jusqu'en 1857, date de la banqueroute finale du chef excentrique.
Portrait-charge de Hubert Collinet (1797-1867)
En 1855 et 1856, Jullien donne encore de nombreux concerts dans les jardins du Royal Surrey, mêlant musique classique et musique légère. C'est la période des "concerts monstres", monstres par la longueur des programmes, les effectifs de l'orchestre, les excentricités de la mise en scène...
Concert au Music Hall dans les jardins de Royal Surrey à Londres
Music Hall, Royal Surrey, Londres
A la fin de sa vie, Jullien sombre dans la folie et est interné dans un asile à Neuilly-sur-Seine où il meurt en 1860.
Quadrille et valse de Louis-Antoine Jullien
"Mon Rocher de St Malo"
Collection privée
Bibliographie :
Michel Faul : Louis Jullien : Musique, Spectacle et Folie au XIXe siècle, Atlantica 2006
Jules Prudence Rivière : My musical life and recollections (1893) Kessinger Publishing LLC Lien
Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, Editions Fayard, 2003
Site sur Louis Antoine Jullien
Extrait audio sur le site de l'ensemble Les Pantalons :
Louis-Antoine JULLIEN - Le Rataplan : Pantalon
Quadrille composé pour grand Orchestre, arrangé pour le Piano avec Accompagnement de Violon ou Flûte, flageolet et Cornet à Pistons par Henry Lemoine, Paris, [1837]