Extrait des Mémoires d'Hector Berlioz (Chapitre 4)
Quand j’ai dit plus haut que la musique m’avait été révélée en même temps que l’amour, à l’âge de douze ans, c’est la composition que j’aurais dû dire ; car je savais déjà, avant ce temps, chanter à première vue et jouer de deux instruments. Mon père encore m’avait donné ce commencement d’instruction musicale.
Le hasard m’ayant fait trouver un flageolet au fond d’un tiroir où je furetais, je voulus aussitôt m’en servir, cherchant inutilement à reproduire l’air populaire de Marlborough.
Mon père, que ces sifflements incommodaient fort, vint me prier de le laisser en repos, jusqu’à l’heure où il aurait le loisir de m’enseigner le doigté du mélodieux instrument, et l’exécution du chant héroïque dont j’avais fait choix. Il parvint en effet à me les apprendre sans trop de peine ; et, au bout de deux jours, je fus maître de régaler de mon air de Marlborough toute la famille.
On voit déjà, n’est-ce pas, mon aptitude pour les grands effets d’instruments à vent ?... (Un biographe pur sang ne manquerait pas de tirer cette ingénieuse induction...) Ceci inspira à mon père l’envie de m’apprendre à lire la musique ; il m’expliqua les premiers principes de cet art, en me donnant une idée nette de la raison des signes musicaux et de l’office qu’ils remplissent. Bientôt après, il me mit entre les mains une flûte, avec la méthode de Devienne, et prit, comme pour le flageolet, la peine de m’en montrer le mécanisme. Je travaillai avec tant d’ardeur, qu’au bout de sept à huit mois j’avais acquis sur la flûte un talent plus que passable.
Le flageolet de Berlioz est conservé au Musée Hector Berlioz dans la maison natale du compositeur à la Côte-Saint-André dans l'Isère.